WWE: On The Road

Chapitre 1 : Une ère ressuscitée ?


15 juillet 2012, Phoenix en Arizona, US Airways Center…


-Ecoute-moi : tu représentes l’affaire de quelques millions de dollars, que ce soit en figurines, en posters, en termes de présence, en t-shirts, en termes de marketing,… Tu ne peux pas partir comme ça, Undertaker.


-Appelle-moi Mark.


Le bureau du Chairman de la WWE contenait une tension palpable entre ses deux hommes, qui se connaissaient depuis près de vingt ans à présent. Assis sur la chaise du bureau, dans son costume grisonnant, la mine farouche et hargneuse, Vince Mcmahon, celui qui a créé le mythe, la légende, cette aura sacro-sainte que détenait l’homme juste en face de lui, debout, sa veste sombre retombant le long de son corps suintant de cicatrices de nombreuses batailles, The Undertaker. Mcmahon, le maniaque, la personnification incarnée de Monk, trifouilla dans ses stylos, dans ses cheveux, se massa le front d’un air tempéré pour garder son calme et faire en sorte que la situation soit toujours entre ses mains. Cet homme stressait continuellement durant ses journées entières, à un tel point qu’il devait concentrer toute son énergie disponible pour ne pas exploser littéralement sous la pression que contenaient ses frêles épaules, meurtries par la vieillesse et l’amertume typique du businessman soixantenaire. Le fossoyeur, lui, restait d’un calme olympique habituel : il gérait la situation à son aise et il verrait bien ce qu’il en serait. Toutes ses années à vivre dans la solitude et le combat l’avaient renforcé de telle sorte qu’il soit rodé pour ce genre de situations.


-Tu sais très bien que je ne peux pas encore t’appeler ainsi, au sein de mon bureau. Question de business. Dicta d’un air militaire Mcmahon, qui se grilla une cigarette Dennis Hopper pour calmer ses pulsions de détresse.


-Qu’importe. Tamponna Undertaker, mélancolique. Je ne veux plus me battre. Question de respect. Imita-t-il, railleur. Mais ça, j’imagine que tu ne peux pas comprendre, Vince.


-ASSEZ ! ASSEZ ! Hurla le Chairman, qui écrabouilla déjà son mégot à moitié consommé contre le cendrier aux contours dorés qui s’établissait sur son bureau aux coins remplis de paperasses.


Le paternel du sports entertainment avait crié ses paroles en tapant violement contre son bureau, désemparé et colérique. En dehors du bureau, dans les couloirs, les employés s’arrêtèrent quelques secondes et ensuite reprirent leurs activités, comme si de rien n’était. Tout ceci est plus que normal au sein de leur entreprise. Le Chairman fixa un de ses employés les plus fidèles avec une hargne jamais vue auparavant : il voulait le conserver le plus longtemps possible, qu’importe s’il mourrait sur le ring ou finirait sa vie en tétraplégique. Undertaker connaissait Vince comme s’il s’agissait de son propre père, il savait exactement comment titiller son calme et sa froideur pour faire en sorte qu’ils commencent à se déchaîner et prennent des décisions hâtives.


-Honneur…


Mais évidemment, dans l’ombre de la pièce se cachait cet homme : Triple H. Le Chief Operating Officer de la WWE, multiples fois champions du monde, beau-fils de Vince Mcmahon et surtout, un homme qui comprenait aisément les sentiments que pouvait éprouver l’Undertaker. Celui-ci lorgnait dans la direction d’où provenait la voix caverneuse d’un de ses plus grands rivaux, qui le regardait droit dans les yeux, avec un respect irréprochable. Le Deadman lui rendit ce regard. Leur ère s’était terminée il y a trois mois de cela, à Wrestlemania 28, en compagnie du troisième homme qui les avait aidés à établir cette période de pure frénésie catchesque, Shawn Michaels. Mais Vince Mcmahon, lui, ne pouvait accepter que la roue s’arrête ainsi. Undertaker représente bien trop d’argent pour que tout cela cesse d’un coup.


-Honneur… Répéta Triple H, qui essayait tant bien que mal de raisonner son beau-père.


-Pars de mon bureau, Paul. Et je ne le redirai pas une seconde fois. Clama le Chairman, d’un ton abrupt, mais cependant calmé après cet échange virulent.


La tension augmenta encore d’un cran, ce qu’il fut inconcevable tellement la pièce humait d’une ambiance malsaine de corruption et d’affaires gardées le plus secrètement enfouies au sein des paperasses de ce bureau où bien des histoires comme celles-ci naquirent et décédèrent par la suite, pour ensuite rester dans la mémoire collective de ceux ayant endurés ses caprices.


-Honneur, je comprends ce que ressent… Commença le 13 fois champion du monde.


-PARS D’ICI ! MAINTENANT! Gueula une nouvelle fois Vince Mcmahon, dans un accès de rage.


Paul Levesque scruta le visage ridé de son beau-père, dont la tempe commençait à gonfler et ses joues rougissaient de façon abracadabrante. Les colères de Vince Mcmahon retentissaient fréquemment, surtout en réunion, mais celle-ci frôlait l’irréel, même pour Levesque qui le connaissait pourtant plus d’une décennie. Cependant, en un tel cas, il savait comment faire : ne pas froisser le dirigeant et s’en aller. Malgré tout, il devait marquer son territoire. Montrer qu’il restait un alpha mâle au sein de cette entreprise.


-Je suis trop impliqué personnellement, c’est ça, n’est-ce pas ? Dit Triple H, sagement.


Les deux hommes de la même famille continuaient à se fixer de manière quasi conflictuelle, jusqu’à ce que Triple H aille vers la porte sans adresser ne serait-ce qu’un seul regard à Undertaker.


-J’arriverai à te convaincre, Vince. Fut sa dernière réplique avant qu’il ouvre la porte et s’en aille gambader au loin en ruminant ses pensées et en s’imaginant dégommer des fenêtres à coup de sledghammer pour se détendre.


Vince poussa un long soupir de soulagement quand la porte fut claquée, engouffra une nouvelle cigarette Dennis Hopper entre ses deux lèvres gercées et s’étira mollement, avant de se reconnecter vers son objectif principal, c’est-à-dire l’homme qui se situait juste là, devant lui. Mais avant qu’il ait pu ouvrir ses lèvres, la porte s’ouvrit une nouvelle fois, sans qu’elle ait la peine d’être cognée quelques fois par preuve de politesse. Et le nouvel arrivant était…


-Paul Heyman… Murmura Vince, dans un nouveau soupir, avant que le Chairman se décide de s’emparer de son éventail.


-Toujours aussi nerveux, Vince, à ce que je vois… Lança Paul, d’un air dédaigneux.


Heyman fixait les alentours de la pièce, avant de regarder à qui parlait le Chairman de l’entreprise. L’ancien dirigeant de l’ECW commençait à profaner quelques exclamations de surprise et de joie, avant que l’Undertaker, blasé de ce spectacle, décide de se retourner brusquement vers cet homme au sourire vantard : ça se voyait qu’il préparait quelque chose.


-La streak, évidemment… Psalmodia Paul. Quel jeune va encore se mettre à terre pour le Phénomène cette année, Vince ? Ou quel ancêtre aura le droit de bouffer une heure du temps d’antenne du plus grand show sportif face à ce croûton ?


Undertaker fixa d’un air lugubre, patibulaire et malsain son opposant. Paul Heyman savait strictement bien qu’aucun employé de la WWE n’allait lui faire du mal après l’erreur de Triple H de l’avoir attaqué et de se retrouver du coup face à la justice pour expier son crime. Malgré tout, il ne put s’empêcher de chavirer face à cet homme à l’aura menaçante, si bien qu’il baissa du regard le temps d’un instant, avant de se ressaisir.


-Je n’ai plus rien à faire ici. Commenta le Deadman, qui se dirigeait déjà vers la porte pour partir de ce bureau aux décisions si controversées.


Le Phénomène se déplaça tranquillement vers la sortie, alors que Mcmahon semblait embarrassé et mangea un crayon pour déstresser. L’Undertaker allait ouvrir la porte pour s’échapper de ce bordel industriel, mais Heyman se figea à son niveau, de telle sorte qu’il l’entende.


-Tu sais, Mark… Je connaîtrai quelqu’un qui serait vraiment ravi de débattre avec toi à New Jersey, cette année. Gloussa Heyman, satisfait de sa mise en scène.